Vendredi 15 mars à Lyon sont organisées les premières assises régionales contre le harcèlement scolaire. La Conseillère Anne Lorne, que Laurent Wauquiez, Président du Conseil régional, a chargée de la mission de lutte contre le harcèlement scolaire m’a invité à y participer. En tant qu’auteur de nombreuses enquêtes de victimation sur la question et organisateur des Assises nationales contre le harcèlement en milieu scolaire en 2011, à la demande de Luc Chatel, alors ministre de l’éducation nationale je devrais me réjouir d’un tel événement. Pourtant je ne m’y rendrai pas. Pourquoi ? Pour des raisons politiques, mais pas pour des raisons politiciennes : pour ce que devrait être vraiment la politique, une manière d’habiter le vivre ensemble dans notre République.
Histoire qu’on ne me soupçonne pas de visées idéologiques je précise que je ne suis membre d’aucun parti, que j’ai pu travailler sur ce sujet et en toute liberté avec Luc Chatel, ministre de Nicolas Sarkozy et que j’ai tenté pour Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem de mettre en place des politiques précises avec la belle équipe de la délégation ministérielle de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire, avant de revenir durant trois ans au travail de terrain. Je ne brigue ni poste ni honneur, je n’en ai plus ni l’âge ni l’envie. Mais là n’est pas l’important et il ne s’agit pas ici d’une défense des actions des gouvernements précédents – ou actuel. Je voudrais seulement par ce refus, qui me vaudra quelques ennemis, m’engager plus avant encore au service des victimes du harcèlement en milieu scolaire, de toutes les victimes, quels que soient leur âge, leur genre, leur origine, leur couleur de peau ou le lieu de leur naissance.
Histoire qu’on ne me soupçonne pas de visées idéologiques je précise que je ne suis membre d’aucun parti, que j’ai pu travailler sur ce sujet et en toute liberté avec Luc Chatel, ministre de Nicolas Sarkozy et que j’ai tenté pour Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem de mettre en place des politiques précises avec la belle équipe de la délégation ministérielle de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire, avant de revenir durant trois ans au travail de terrain. Je ne brigue ni poste ni honneur, je n’en ai plus ni l’âge ni l’envie. Mais là n’est pas l’important et il ne s’agit pas ici d’une défense des actions des gouvernements précédents – ou actuel. Je voudrais seulement par ce refus, qui me vaudra quelques ennemis, m’engager plus avant encore au service des victimes du harcèlement en milieu scolaire, de toutes les victimes, quels que soient leur âge, leur genre, leur origine, leur couleur de peau ou le lieu de leur naissance.
Le harcèlement en milieu scolaire – comme souvent le harcèlement entre adultes – n’est pas à réduire à l’affrontement entre un individu harceleur et un individu harcelé. C’est un phénomène de groupe dans lequel le rôle des témoins est identifié depuis longtemps – d’où par exemple les 1200 projets annuels du concours « ensemble contre le harcèlement » créé en 2013 et qui vise à mobiliser ces « témoins » en faisant réaliser par les jeunes eux-mêmes des outils de prévention. Le mécanisme du harcèlement est surtout une « oppression conformiste ». Il s’agit d’abord d’un groupe – avec ou sans leader connu– qui isole, exclue, insulte, maltraite un individu de plus en plus solitaire. C’est un groupe qui se construit, s’identifie (« s’enracine » ?) en stigmatisant celui qui n’est pas « nous », qui n’est pas « de notre groupe ». S’il n’y a pas de « profil » type de la victime (ou des agresseurs) il n’en reste pas moins ce fonctionnement : harcelé parce que « autre », fabriqué autre. Autre car trop bon élève (et c’est vrai dans la concurrence des lycées de l’élite), intello, collabo… exclu car porteur de handicap, car fille trop belle, exclu par l’apparence, la « race », le genre, la religion (toutes les religions), la classe sociale, le poids ou les habits. Exclu car « pédé », Lesbienne, Trans. Faut-il encore rappeler que le harcèlement sexiste – qui touche à l’école le garçon aussi bien que la fille – est une des raisons majeures des dépressions graves et des tentatives de suicide chez les adolescents et les adolescentes ?
Alors, oui, je serai très carré. J’ai pu travailler avec Luc Chatel sur cette question il y a des années. Et je m’en honore. Mais depuis, lorsque j’étais délégué ministériel, et surtout simple citoyen, j’ai tant entendu dans les rues de slogans homophobes ; j’ai vu les ravages de l’invention par la droite dure de la « théorie du genre », légende urbaine commode qui nuit tant aux actions de prévention ; j’ai vu monter l’intolérance, le racisme et le refus de l’autre.
Monsieur Wauquiez le rôle des adultes est primordial, et il doit être exemplaire. Quand le discours politique, quand les affirmations sociétales des adultes prêchent la haine de l’autre, quel que soit l’autre, comment s’étonner de les retrouver dans les insultes de cours de récréation, dans les tweets orduriers et dans les exclusions en réseau. Qu’on pense ici aussi bien à la ligue du LOL qu’aux cris de « Taubira la banane » naguère poussé dans des manifestations auxquelles les troupes de Sens commun et de la manif pour tous ont largement participé, telle Anne Lorne, la personne que vous avez chargée de la mission contre le harcèlement, dont un tweet célèbre affirmait benoitement : « Non à la banalisation de l’homosexualité. N’en faites pas des tonnes. Nous sommes la majorité #raslebol ». Opposée au « pass-contraception », c’est aussi celle dont l’influence a été déterminante pour la diminution des subventions aux associations qui luttent pour les droits des LGBT et jouent un rôle clef dans la prévention du SIDA. Est-ce là un message républicain ? Est-ce là même un discours de charité et d’amour de l’autre ?
En tant que chef de parti, vous nommez pour diriger une liste aux élections européennes, un « philosophe » aux positions anti-IVG et anti-mariage pour tous bien connues. Vous accueillez comme étant « ici chez lui » un Eric Zemmour, polémiste si dangereux pour les vraies valeurs françaises qui sont celles des droits humains, de l’accueil et de la tolérance sans lesquelles tout « programme » contre le harcèlement ne peut être qu’un leurre. La bienveillance ne s’exerce pas à mi-temps. Faut-il rappeler à l’élu que vous êtes qu’une nation démocratique n’est pas une nation élective de gens semblables en tout point mais une nation diverse, fière de sa diversité, de genre comme de race et d’origine. Paul Ricoeur disait que la démocratie est un processus d’élargissement continuel à d’autres catégories. Ce n’est pas votre chemin actuel.
Alors, non, par ma présence je ne cautionnerai pas cette récupération. Le loup a beau rouler sa patte dans la farine, sous la patte blanche la couleur gris-brun de sa fourrure est par trop discernable.
Eric Debarbieux
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