Peut-on tirer des conseils pédagogiques des sciences ? En quoi la science peut-elle contribuer à l’éducation à la paix ?
Colloque organisé par notre association le mercredi 3 octobre 2018
Salle Dussane
École normale supérieure, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris
Intervenants :
Catherine JEANDEL, Océanographe, Directrice de Recherche au CNRS
Marie Rose MORO, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-Descartes, directrice de la Maison des adolescents de Cochin (AP-HP)
Jean AUDOUZE, astrophysicien, Président d’honneur de la Commission Nationale Française de l’UNESCO, directeur de recherche émérite au CNRS
Éric DEBARBIEUX, Philosophe et professeur en Sciences de l’éducation, Président de l’Observatoire Européen de la Violence à l’Ecole
Catherine Jeandel a présenté deux expériences :
Le train du climat et Les étoiles brillent pour tous
Jean audouze : Les sciences de la nature contre la violence à l’école
Les sciences de la nature et les mathématiques peuvent contribuer sous certaines conditions à la lutte contre la violence à l’école. Avant de décrire quelques-unes des actions déjà entreprises à ce propos, je souhaite citer mon collègue et ami, astrophysicien comme moi, le regretté André Brahic qui aimait dire souvent au cours de ses splendides présentations : « dans une banlieue difficile, il est préférable d’y dépêcher deux astronomes plutôt qu’une compagnie de CRS ».
Comme d’autres collègues, je suis fréquemment invité à venir faire une présentation d’astronomie élémentaire dans les classes du primaire, y compris dans les écoles maternelles quand les enseignants qui y travaillent ont préparé patiemment les enfants pendant un mois environ pour les aider à s’exprimer et à poser des questions. Je propose à mes jeunes auditeurs de s’envoler dans l’espace depuis la Terre qui n’est rien d’autre qu’un vaisseau cosmique évoluant dans le cosmos. Il ne s’agit pas d’un exposé professoral mais plutôt d’une conversation entre les élèves et moi : j’ai ainsi l’opportunité de leur apprendre à prendre la parole à leur tour et à s’exprimer aussi clairement que possible. Chaque fois, y compris dans des classes « difficiles », je prends énormément de plaisir à interagir avec un jeune public qui apprend à intervenir dans le calme et à respecter la parole de chacun et qui semble lui-même apprécier ce temps d’échange, entre eux, avec leurs professeurs et moi-même. A propos de ce genre d’activité, 1) bien d’autres domaines que l’astronomie peuvent donner lieu à ce genre de présentations débouchant sur des moments « apaisés » dans les classes du primaire. L’association « Prévenance » est en train de dresser un répertoire de propositions que l’on diffusera auprès des enseignants susceptibles de faire venir dans leurs classes des intervenants scientifiques ; 2) une condition strictement nécessaire est que nous soyons dûment invités par les professeurs à venir dialoguer avec leurs élèves car cette activité implique une bonne collaboration entre l’animateur externe et l’enseignant concerné. Le CNRS a mis en place une coopération entre des chercheurs appartenant à cet organisme et des classes de lycée. Il me paraît souhaitable que ces collaborations soient étendues au collège et dans l’enseignement primaire.
Les musées scientifiques tels que le Palais de la Découverte ou la Cité des Sciences de la Villette, tous deux relevant du même établissement appelé « Universcience », mais aussi des centres de culture scientifique en région tels que « l’Espace des Sciences » de Rennes ou « Cap Science » de Bordeaux accueillent tout au long de l’année scolaire des classes du primaire, pilotées par leurs enseignants. Ces visites contribuent fortement à susciter l’intérêt des élèves pour les sciences de la nature et à « apaiser » le climat scolaire lorsque le professeur aborde à son tour ces sujets.
A la fin des années 1980 et le début des années 1990, le professeur de l’Université de Chicago Leon Lederman, prix Nobel de Physique en 1988, mit au point un programme d’éveil aux sciences destiné à socialiser les enfants et les jeunes habitant les ghettos noirs de Chicago. Il donna le nom de « Hands On » à ce programme. Georges Charpak qui était très ami de Leon Lederman « importa » en France en 1995 le dit programme auquel il donna le nom de « La Main à la Pâte ». Ce programme consiste précisément à constituer des équipes d’écoliers ou de collégiens autour d’expériences scientifiques à entreprendre en commun. Les caractéristiques essentielles de ce programme est d’une part, son interdisciplinarité puisqu’il met en œuvre les qualités d’expressions écrite et orale des élèves et d’autre part, l’apprentissage du travail en équipe et donc du développement de la bienveillance entre élèves. Dès 1995, Pierre Léna et Yves Quéré, membres de l’Académie des Sciences comme Georges Charpak développèrent ce beau programme. En 2011, Une Fondation « La Main à la Pâte » (https://www.fondation-lamap.org/) fût créée par l’Académie des Sciences ainsi que les Ecoles Normales Supérieures de Paris et de Lyon. Son président actuel est Daniel Rouan, membre de l’Académie des Sciences.
La contribution des Sciences de la Nature et des Mathématiques à la lutte contre la violence scolaire ne va pas de soi. Il convient, en effet, de susciter la curiosité des élèves et leur intérêt pour ces disciplines. Il est donc nécessaire de mobiliser les enseignants, ainsi que les parents à cet effet. Au niveau du premier degré, les sciences de la nature et les mathématiques sont simples à maîtriser : il convient de s’assurer que tous les professeurs des écoles quel que soit leur formation initiale soient parfaitement à l’aise et enseignent ces matières avec enthousiasme. Je plaide enfin, pour que l’histoire des sciences, même au niveau élémentaire, fasse partie de l’enseignement dispensé aux écoliers. Par ailleurs, il conviendrait que les programmes soient conçus et écrits de façon suffisamment attrayante, ce qui ne semble pas être toujours le cas actuellement. Enfin, les enseignants doivent apprendre la pédagogie au même titre que le savoir disciplinaire et être encouragés à travailler en équipe.
Marie Rose Moro a présenté la nécessité de combattre les préjugés et a exposé deux expériences fondamentales pour créer du lien commun:
Le conte bilingue :
Expérience conduite avec l’accord des enseignants et des parents de CE1 jusqu’en CM2.
Un enfant et un de ses parents lisent un conte dans la langue maternelle, en présence d’un traducteur et d’un psychologue . La traduction est active car chacun y contribue. Lorsqu‘elle est stabilisée, on enregistre les deux versions. L’enseignant choisit ce sur quoi il va travailler avec la classe.
Les effets ont été évalués tant sur l’ambiance de la classe, que sur les résultats des enfants en lecture et écriture.
Des traducteurs à l’école le jour de la rentrée :
Cette expérience, menée en Seine Saint Denis et dans le nord de Paris, a permis de faciliter l’accueil des parents et des enfants.
Eric Debarbieux :
– A partir des résultats de la recherche internationale une « science de la violence à l’école » est-elle possible et en quoi informe-t-elle l’action, tant au niveau des décideurs politiques que des établissements et des écoles?
– En quoi la pertinence de ces résultats reste politiquement impertinente dans un contexte sécuritaire trop souvent marqué par un discours du rejet de l’autre?
– Qu’est-ce-que peut la science dans un contexte de post-vérité qui en refuse souvent l’expertise?
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